Ballet en un prologue et trois actes basé sur plusieurs scènes du roman de Miguel de Cervantes – Musique : Ludwig Minkus – Chorégraphie : Ruldof Noureev d’après Marius Petipa
Rudolf Noureev et Don Quichotte
A 21 ans, Rudolf Noureev fut un brillant interprète de Basile au Kirov de Leningrad, ayant pour partenaire Ninel Kourgapkina (1959). Ce sera aussi, après avoir choisi de rester à l’Ouest en 1961, l’un de ses rôles fétiches, qui met en valeur une autre facette du danser/ comédien : son esprit malicieux et ses dons comiques.
Dès 1962 à New York, Rudolf Noureev danse le pas de deux final auprès de Sonia Arova. Puis, il remonte l’ouvrage entier, construisant une nouvelle chorégraphie d’après Marius Petipa et Alexandre Gorski pour l’Opéra de Vienne en 1966 demandant à John Lanchbery de procéder à quelques arrangements de la musique de Minkus pour lui donner un caractère plus enjoué.
Il en fait la reprise à l’Australian Ballet en 1970 (avec Lucette Aldous) et l’année suivante, au Ballet de l’Opéra de Marseille que dirige alors Rosella Hightower (c’est Maïna Gielgud qui est Kitri).
Cette version révèle avec plus d’évidence la façon dont Noureev règle les grands mouvements sur scène : les numéros espagnols tourbillonnent autour de l’énorme place du village et forment une ingénieuse variété de configuration destinées à montrer les pas caractéristiques de l’Espagne.
Si la séquence purement classique de la « vision » de Dulcinée et des Dryades conserve son intégralité – telle que la tradition du Kirov l’a transmise – Noureev la fait précéder de l’épisode du camp des gitans, prétexte à développer la rencontre amoureuse de Kitri et Basilio : pas de deux au clair de lune sous les ailes d’un moulin géant.
Rudolf Noureev ramène aussi le ballet à trois actes et un prologue : les gitans, les moulins à vent, le théâtre de marionnettes deviennent un même tableau, suivi de l’apparition des Dryades.
Noureev a beaucoup argumenté la part de la comédie. Dans sa version, il a introduit l’esprit de la Commedia dell’Arte, où Don Quichotte serait Pantalon, Kitri serait Colombine, et Bisilio Arlequin, un meneur de jeu, brillant, jaillissant, bondissant, qui court d’un bout à l’autre du ballet » (Alexander Bland).
Ce Don Quichotte, avec l’Australian Ballet, a été filmé en 1972 par Rudolf Noureev lui-même, qui passait pour la première fois de l’autre côté de la caméra.
LE DON QUICHOTTE DE NOUREEV
A vingt ans, Rudolf Noureev dansait déjà Don Quichotte au Kirov de Leningrad : le livret et la chorégraphie de Marius Petipa en avaient été transmis par la tradition, mais avaient aussi subi des modifications dues aux révisions successives dont la plus importante fut celle d’Alexandre Gorski en 1900. Partant de cette version, Rudolf Noureev va concevoir un Don Quichotte réjouissant et vif, mené à un train d’enfer, développant dans l’humour et la vélocité une série de tableaux hauts en couleurs sur les amours contrariées de la fille de l’aubergiste, Kitri, et du barbier Basile mêlées à l’épopée du « Chevalier à la triste figure ».
Ce Don Quichotte également monté à l’Australian Ballet (et filmé en 1972 par Noureev lui-même) fera son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, en mars 1981, à l’invitation de Rosella Hightower, alors directrice de la danse.
Depuis le ballet a été repris pendant la saison 1983-84, en juillet 1985 dans les arènes de Nîmes, en juillet 1986 à l’Opéra, en juin 1989 au Grand Palais, en 1990 au Palais Garnier ainsi qu’en mai/juin 1998, en décembre 1990/janvier 1999 et dans une nouvelle production à l’Opéra Bastille en avril/mai 2002 et mai/juin 2004.
LA CHOREGRAPHIE DU RUDOLF NOUREEV
Noureev reprend la version du Kirov (la production de Gorski d’après Petipa) qu’il a dansée en 1959 et 1960 et y apporte – comme pour ses autres chorégraphies d’après Petipa – des modifications de son cru.
Noureev redonne son importance au prologue : c’est une entrée initiatique dans l’univers fantasmatique de Don Quichotte qui, d’un plat à barbe, fait un casque de chevalier, et croit voir surgir dans son pauvre et sombre logis la blanche et lumineuse Dulcinée, dame de ses pensées.
Comme toujours chez Noureev, la chambre, la maison, le palais, est ce huit-clos, lieu des tourments de l’âme, des rêves et des cauchemars qui aident le héros ou l’héroïne à surmonter les interdits de son inconscient.
Par contraste, « la vie continue dehors » (une phrase qui revenait souvent, avec une mélancolie toute tchékhovienne, dans la bouche de Rudolf Noureev) : bruyante et joyeuse, la place de Barcelone – à l’instar de celle de Vérone dans Roméo et Juliette – est le théâtre d’une multiplicité d’actions simultanées et d’événements pittoresques.
La grande attraction en est Sancho Pança – qui n’est plus un valet – mais un moine dodu, chapardeur et paillard comme on les faisait autrefois : il est le signe d’un vieux monde que perpéture Don Quichotte, idéaliste d’un autre âge, empêtré dans son armure et qui invite Kitri à danser un menuet suranné à l’Acte 1. Un vieux monde que va balayer la jeunesse de Kitri et Basilio
A l’acte II, quand Kitri et Basilio se sont enfuis, pour échapper à Lorenzo qui veut marier sa fille au ridicule Gamache, Noureev a chorégraphié pour les deux amoureux, un pas de deux de sa façon.
L’amour du théâtre chez Rudolf Noureev ne se limitant pas aux genres, le chorégraphe utilise aussi des effets de music-hall, comme ces parapluies ouverts et fermés qui semblent autant de monstres inquiétants aux yeux de Don Quichotte, ou comme cette vision « flottante » de Kitri/ Dulcinée où la danseuse est portée dans le noir par un danseur revêtu de noir, donnant l’illusion d’un être en apesanteur.
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Distribution de la création au Palais Garnier La Première de Don Quichotte par le Ballet de l’Opéra de Paris eut lieu le 6 mars 1981 au Palais Garnier, avec Noëlla Pontois (Kitri), Cyril Atanassoff (Basilio) Elisabeth Platel (la Reine des Dryades), Georges Piletta (Gamache), Jean-Yves Lormeau (Espeda), Sylvie Clavier (La Danseuse de rue), Rudolf Noureev dans la deuxième représentation, avec Noëlla Pontois.
Noureev donnera également son Don Quichotte au Ballet de l’Opéra de Zurich (1979) et au Ballet National de Norvège (1980). A l’invitation de Rosella Hightower – alors directrice de la danse à l’Opéra de Paris – la production entra au répertoire du Ballet de l’Opéra en 1981, où l’on dansait seulement le célèbre pas de deux du troisième acte. Plus tard, le Don Quichotte de Noureev entrera aussi au répertoire du Central Ballet de Pékin et du Matsuyama Ballet à Tokyo (en 1985), du Ballet de la Scala de Milan (en 1987) et du Ballet Royal de Suède (en 1994)