« I want to stay and to be free. »
Rudolf Noureev à l’aéroport du Bourget
Le saut vers la liberté
Lorsque, pour sa première tournée à l’étranger, le Kirov se rendit à Paris en 1961, il était devenu impensable de ne pas emmener Rudolf, mais on le surveilla de près. Il ne se conforma pas pour autant à ce qu’on attendait de lui… Au lieu de regagner son hôtel docilement dans les autocars prévus, il sortait avec des danseurs Français et autres parisiens. D’autres danseurs du Kirov en faisaient autant, mais Noureev était celui qui inquiétait le plus les agents du KGB qui supervisaient la tournée.
Lorsque toute la troupe arriva à l’aéroport pour se rendre à Londres, on remit à Noureev un billet pour Moscou où on l’attendait pour un gala, lui dit-on…
« I want to stay and to be free… »
Ne croyant pas aux assurances qui lui furent données selon lesquelles il rejoindrait ensuite la compagnie à Londres, il était convaincu qu’on ne le laisserait plus jamais sortir d’URSS et qu’il serait écarté de la scène. Il décida de demander asile à l’Occident et réussit à le dire aux amis venus l’accompagner à l’aéroport. Ces derniers le transmirent à la police française qui expliqua à Noureev qu’il lui fallait prendre contact personnellement avec les autorités françaises ; ce qu’il fit et on lui accorda l’autorisation de rester en France.
Les fonctionnaires soviétiques firent alors tout ce qu’ils purent pour dénigrer le » transfuge » et il fut condamné à une peine d’emprisonnement par contumace. Pendant de nombreuses années, il dut effectuer tous ses voyages avec des titres de transport provisoires et on finit par lui octroyer la citoyenneté autrichienne.
Ayant enregistré un succès personnel spectaculaire pendant la saison du Kirov à Paris, il se vit immédiatement offrir un contrat avec le Grand Ballet du Marquis de Cuevas, où il ne resta que quelques mois, détestant leur production de la Belle au Bois Dormant.
Il estimait beaucoup la ballerine Rosella Hightower et monta avec elle son premier ballet, le pas de deux de Casse-Noisette. Ensuite, il fit la connaissance, à la ville, d’une autre ballerine, l’Américaine Maria Tallchief, à qui il se présenta.
Rencontre avec Erik Bruhn
Maria Tallchief s’apprêtait à danser à Copenhague avec Erik Bruhn que Noureev admirait plus que tout autre danseur grâce à un film d’amateur qu’il avait vu. Ainsi, les deux hommes se rencontrèrent, tombèrent amoureux l’un de l’autre, et maintinrent des liens étroits en dépit de disputes et de séparations jusqu’à la mort de Bruhn.
Tous deux perfectionnistes, ils prenaient leur classe quotidienne ensemble et Noureev commença à assimiler le style occidental qui venait enrichir ce qu’il avait appris en Russie. L’attitude de Bruhn face à ses rôles confirma Noureev dans sa conviction qu’un homme devait pouvoir danser de façon aussi expressive qu’une femme.
C’est ce qu’on peut voir dans la variation lente que Bruhn et Noureev chorégraphièrent dans leurs versions respectives du Lac des Cygnes, annonçant un style de danse masculine nouveau, que d’autres chorégraphes reprirent ensuite, y compris le célèbre Frederick Ashton.