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LE CHOIX DE RUDI

Raconter la vie de Rudolf Noureev paraît toujours être un défi des plus fous tant sa vie fut extraordinaire. S’adresser à des adolescents qui n’ont peut-être jamais vu des chaussons de danse, qui n’ont jamais entendu le nom de Noureev et n’ont pas connu l’ère glaciaire du bloc Est / Ouest, voilà un défi supplémentaire. Françoise Dargent a relevé tous ces défis et nous offre un livre passionnant sur la jeunesse de Rudolf Noureev.

Ecrit à la première personne, ce livre nous entraîne dès la première page dans un rythme soutenu, celui de la pensée de Noureev à la fois rapide, foisonnante et débordante d’énergie. Au fil des pages, nous le suivons dans sa vie de tous les jours, gamin bachkir élevé dans une famille très pauvre et nous rêvons avec lui, nous partageons ses peines, ses frustrations et ses joies. Car Noureev, dans les années 50, c’est Billy Eliot avant l’heure avec en plus ce régime politique soviétique devant lequel il ne cesse de s’interroger : Et si la vraie vie était ailleurs ?

Né dans un train qui filait du côté du lac Baïkal, Noureev n’aura eu de cesse de voyager d’Est en Ouest, et l’adolescent qui grandit sous nos yeux sent déjà qu’aucun gouvernement, aucun pouvoir ne pourra l’arrêter. Transgresser les interdits, refuser de se soumettre à la pensée unique, s’imposer quand tout semble impossible, croire en soi par-delà les avis contraires, tels sont les choix de Noureev.

C’est une des grandes réussites de ce livre : montrer aux jeunes générations qu’il faut savoir saisir sa chance, la provoquer aussi, mais que rien n’est impossible à qui croit en son destin même dans cette Union Soviétique austère et glaçante où tout, ou presque, était interdit. A l’heure où il est plus facile de mettre en scène sa vie sur les réseaux sociaux que de se frotter à la réalité, il est plutôt intéressant de rappeler à nos grands ados ce que signifie « prendre en main son destin » !

Un livre à offrir à tous les adolescents qu’ils aiment la danse ou pas, car ici, même si la danse est omniprésente et merveilleusement exprimée par les mots de Françoise Dargent, elle est avant tout le moyen que Noureev a choisi pour réaliser ses rêves. Aurait-il choisi d’être peintre, musicien, mathématicien…. gageons que son destin eut été tout aussi extraordinaire.

Le mot de l’éditeur : Novembre 1951, Union soviétique. Il fait un froid de loup. Rudi a 13 ans. Il court dans la forêt pour échapper à son père, ce père parti à la guerre et qui n’en est jamais tout à fait revenu, ce père qui ne le connaît pas. Le père de Rudi aurait voulu un fils à son image : un gars qui aime la chasse, qui fera un métier d’homme. Pour Rudi, la vie, c’est la musique et la danse. Sa force, sa puissance, il les met dans chacun de ses pas, de ses pliés, de ses sauts. Bientôt, envers et contre tout, Rudi écrira lui-même son avenir. Bientôt, il vivra son rêve, celui qui va l’emmener à Moscou, Leningrad et à travers le monde, celui où il devient un danseur inoubliable : Rudolf Noureev…  »

Rudolf Noureev a été ravi par la danse à l’âge de 7 ans, sous les lustres de l’opéra d’Oufa. Dès lors, ni l’enfer de ses hivers d’enfant mal nourri dans cette ville glacée de Bachkirie, ni l’hostilité de son père ne purent entamer sa détermination à devenir le plus grand danseur de son siècle. Le choix de Rudi, c’est d’abord ce destin qu’il s’est autorisé à se forger dans une URSS paralysée par l’inquisition constante du KGB. Ce sera aussi celui de l’Ouest, où Françoise Dargent le montre plus décidé que jamais à briller quand il choisit de demander l’asile en France à l’âge de 23 ans. De l’enfance à l’entrée dans l’âge adulte, la journaliste du Figaro littéraire livre une libre adaptation habitée de la vie du « tsar », un récit où l’insoumission, la fougue et la séduction du danseur passent à toutes les pages. On réclamerait bien un rappel !

de Françoise Dargent

Hachette, 15,90 EUR.

À partir de 13 ans.